Les actes de délinquance commis ces derniers jours au détriment du Centre Social, de son personnel et de ses usagers dans le quartier des Trois Ponts ne sont que la partie émergée d’un malaise très profond, potentiellement explosif, et pourtant riche de potentialités.
Ne nous y trompons pas, la référence à une enquête en cours concernant l’agression subie par un mineur, il y a près d’un an, n’est qu’un prétexte, une étincelle, pour extérioriser un malaise et une révolte profonde.
Le Centre Social des 3Ponts, seul réel lieu d’accueil quotidien de toutes les richesses et de toutes les misères du quartier est, paradoxalement, une cible : il symbolise la présence publique, la présence des politiques.
Ni les usagers, ni les bénévoles de l’association des usagers, ni les professionnels n’ont une quelconque responsabilité dans les incidents, ils en sont même les premières victimes.
Parmi un grand nombre de causes, notamment sociales et économiques, j’en retiens trois qui trouvent leur origine, et leurs réponses possibles, dans l’action publique/politique locale.
1) Les promesses démagogiques
L’atmosphère du quartier des Trois Ponts rappelle celle du quartier de l’Epeule en 2008/2010. Elle est également ressentie par de nombreux habitants, des bénévoles et des professionnels dans d’autres quartiers populaires de notre commune. Comme en 2008, la campagne des élections municipales a été marquée par les promesses électoralistes démagogiques, faites aux habitants des quartiers populaires. Promesses d’embauche, promesses de logement, de financement d’associations, promesse de « local pour les jeunes », mise en cause de l’action des structures et d’associations de quartier existantes…etc.
Les jeunes qui ont reçu ces promesses, entendus ces discours, présentent aujourd’hui et présenteront demain la facture. Elle est salée !
N’oublions pas l’alerte envoyée à la presse en mars par monsieur Jean-Claude Lepinoy, habitant du quartier de l’Epeule et candidat sur la liste « Pour Roubaix l’Humain d’abord ». Il s’inquiétait des effets dramatiques des promesses démagogiques tenues par certains candidats très en vue. Il rappelait qu’elles avaient déjà entraînées des incidents graves dans son quartier après les élections de 2008.
2) Le poids du clientéliste
Le discours tenu à une partie de la jeunesse et de la population roubaisiennes associant une remise en cause de l’action des Centre Sociaux et des promesses hasardeuses de local jeune, à tord nommé MJC, n’est pas nouveau.
C’était dèjà la politique menée par André Diligent et ses adjoints il y a près de 30 ans !.
Il s’agissait alors d’octroyer « un local » et une petite subvention à des groupes de jeunes plus ou moins organisés en réponse aux luttes militantes, ou plus souvent a des pressions menaçantes voire délinquantes.
Politique fort justement caricaturée à l’époque par Nicolas Daquin dans une planche de sa BD « Dans mon quartier » (disponible à la médiathèque de Roubaix).
La Ville avait alors tenté d’acheter la paix sociale, à peu de frais et à très court terme.
Ce choix a facilité l’éclosion de quelques rares associations de qualité mais a aussi permis l’installation de véritables comptoirs de trafics en tout genre et le renforcement d’une forme de potentats de quartier.
A ce propos Monsieur Guillaume Delbar, nouveau Maire, fait ouvertement référence dans la presse à l’association ANRJ comme exemple de ce qui pourrait être développé aux 3 Ponts.
Parlons en !
L’ANRJ depuis sa création n’a bénéficié ni des financements, ni de l’accompagnement nécessaire à l’embauche de personnel qualifié. Ses responsables sont contraints d’accueillir un public, principalement masculin, dans des locaux mis à disposition par la municipalité précédente alors qu’ils auraient dues être fermés au public pour des raisons de sécurité.
Cet exemple est symbolique d’une volonté politicienne : instrumentaliser des acteurs associatifs, sans leur apporter les moyens nécessaires à la mise en œuvre de leur projet ou des missions qui leurs sont confiées.
Ce choix peu coûteux pour le budget municipal n’est qu’une politique à courte vue. Elle vise à multiplier les petites structures fragiles sur un même territoire en les opposant. Elle est aux antipodes d’une nécessaire politique d’Éducation Populaire porteuse d’émancipation de la jeunesse et plus généralement de la population du quartier. Elle est aux antipodes d’une politique municipale qui apaise les tensions, favorise le développement des solidarités et, in fine, développe l’engagement par l’apprentissage du débat et de la décision démocratique.
3) Les discriminations et le mépris
Une part importante de notre jeunesse subit quotidiennement une accumulation de violences fortes :
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le chômage, alors que notre ville est la deuxième de la région en nombre d’entreprises et d’emplois
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l’assignation à une identité, une culture ou une religion réelle ou supposée et les discriminations sociales et raciales
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le développement de l’islamophobie, liée à une instrumentalisation politicienne de l’islam qui n’est pas sans rappeler l’instrumentalisation du judaïsme au XIXème et XXème siècle.
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l’atténuation, voire la dissimulation, des crimes du colonialisme Français à laquelle s’ajoute les zones d’ombres de la politique Française actuelle en Afrique et au moyen orient, qui représentent une forme de mépris pour l’histoire familiale d’une part de nos concitoyens.
Ces violences sont un terrain fertile pour les fascistes et extrémistes qui utilisent la politique, la religion ou encore l’humour pour manipuler les populations en souffrance.
Pour répondre à ces souffrances et à ces enjeux de société il est nécessaire de penser l’action publique différemment. D’agir autrement, et durablement. Plutôt que d’opposer ou mettre en concurrence, pourquoi ne pas favoriser les coopérations ?
Une ambition : « Les jours heureux » dans le quartier des Trois Ponts !
Le quartier des Trois Ponts et un quartier populaire d’une grande richesse. Au-délà des services et de l’action du Centre Social il existe un foisonnement d’associations sportives et culturelles, d’initiatives de jeunes et de moins jeunes. La municipalité doit être l’initiatrice d’une action concertée et cohérente des différentes forces citoyennes du quartier. Associations, Centre Social, écoles, services publics, mais aussi les commerçants, et surtout les résidents de tous ages.
Pourquoi ne pas les regrouper, en respectant l’identité et la capacité d’initiative de chacun, et coordonner tout ces acteurs dans un projet d’ensemble, co-gèré avec la municipalité, en y impliquant les résidents qui le souhaitent pour développer les solidarités et l’initiative citoyenne.
En faisant cette proposition je n’invente rien.
Ce type de démarche a été initiée en octobre 1944 dans la philosophie du programme du Conseil National de la Résistance : « Les jours heureux », alors que la France sortait de quatre années d’occupation, de collaborations, d’affrontements, de répressions et pillages.
Cette démarche s’appelait « La République de Jeunes ». Elle associait notamment le gaulliste Jean Guehenno, le député SFIO André Philip, la CGT, la CGA, la Ligue de l’Enseignement, les mouvements scouts et d’Education Populaire.
Cette démarche a donné naissance en 1948 à la Fédération Française des Maisons des Jeunes et de la Culture.
Oui à une MJC dans le quartier des Trois Ponts… mais une MJC c’est cette ambition la :
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Jean Guehenno, directeur des mouvements de Jeunesse et de la culture populaire, écrit le 13 novembre 1944 : » Nous voudrions qu’après quelques années, une maison d’école au moins dans chaque ville ou village soit devenue ’une maison de la culture’, une ’maison de la jeune France’, un ’foyer de la nation’, de quelque nom qu’on désire la nommer, où les hommes ne cesseraient plus d’aller, sûrs d’y trouver un cinéma, des spectacles, une bibliothèque, des journaux, des revues, des livres, de la joie et de la lumière. Cette maison serait en même temps une Maison des Jeunes ».
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André Philip écrit le 15 janvier 1948 : « Lorsque vous créez une de vos Maisons des Jeunes dans quelqu’un de nos faubourgs, dans quelqu’un de nos villages, vous allumez un feu. Faites-en jaillir le plus possible et si vous ne voyez pas l’aurore, un jour ils se seront rejoints et l’aurore resplendira sur l’humanité ».
Belles ambitions n’est ce pas ? Belle actualité !
Monsieur Guillaume Delbar, nouveau Maire de Roubaix, aura t-il une telle ambition démocratique et émancipatrice pour les résidents des Trois Ponts et de toute la Ville de Roubaix ?
L’avenir nous le dira.
Pour ma part, j’ai cette ambition, pour notre part, nous avons cette ambition !
Eric Mouveaux
Secrétaire de l’Association Paul Eluard.