JDD : Le PS a promis de respecter le texte…
TL : Il n’appartient plus aux députés de faire la loi? Le Medef leur prend la main? Ils sont élus sur la base d’un programme électoral que l’accord ne respecte pas. Ont-ils vu sa philosophie? Jean-François Copé dit que le groupe UMP votera le texte si, je cite, il n’est pas dénaturé. Nous avons entrepris un travail de pédagogie auprès des parlementaires de la majorité.
JDD : François Hollande mène une politique de droite libérale?
TL : Peu importe le vocabulaire. Hollande s’inscrit dans la suite de Sarkozy, il considère, lui aussi, que le travail est un coût qu’il faut baisser. Le gouvernement a ainsi trouvé 20?milliards d’euros pour les entreprises après un coup de fil de Laurence Parisot et il a refusé d’augmenter le smic. C’est l’inverse des engagements de campagne sur la justice sociale. Et regardez la fonction publique, quelle est la différence entre la RGPP [révision générale des politiques publiques] et la MAP [modernisation de l’action publique]?
JDD : Les services de police craignent une radicalisation des conflits sociaux et des débordements mardi, à l’occasion d’une manifestation devant le siège de Goodyear. Appelez-vous au calme?
TL : Quand on est victime de licenciements, on a besoin de solidarité. Attention, cependant, à ne pas s’isoler! Nous devons plutôt mener la mobilisation dans les territoires autour des usines, là où les luttes se déroulent. Cela étant, en publiant une circulaire d’alerte, Valls souffle sur les braises. Il entretient un processus de provocation pour assimiler les salariés aux casseurs. On a vu la violence policière à Strasbourg, où un manifestant a perdu un œil sous un tir de Flash-Ball. Quand les gens souffrent, il ne faut pas qu’ils se sentent humiliés. Notre volonté, ce n’est pas de casser, c’est d’améliorer le sort des salariés.
JDD : La direction de PSA et trois syndicats ont condamné la violence à Aulnay, pointant la CGT. Comment réagissez-vous?
TL : Ils se trompent de cible. Quand une usine va fermer, certains salariés se mobilisent, d’autres baissent les bras, beaucoup sont déboussolés. C’est normal que le ton monte un peu. On a vu quoi? Un coup de pied dans une portière, je veux bien dire qu’il ne fallait pas… Mais de quel côté est la violence, en réalité? On a laissé les salariés dans l’incertitude et l’angoisse pendant des mois. Cela provoque des réactions, si personne ne disait rien, ce ne serait pas normal.
JDD : Le NPA ou Lutte ouvrière poussent-ils la CGT à se radicaliser dans les usines?
TL : Un conflit social est par nature d’une grande gravité. Il y a la détresse, la désespérance des salariés. Tout est réuni pour qu’il y ait des débordements et des groupuscules qui s’intéressent davantage aux modalités de la lutte qu’à ses raisons. Des leaders syndicaux peuvent être encartés, mais quand 600?personnes décident de manifester, elles le font collectivement, ces décisions sont démocratiques. Chez Goodyear Amiens, la CGT fait 80% des voix, je ne suis pas sûr qu’il y ait 80% d’électeurs du NPA ou de Lutte ouvrière dans l’usine.
JDD : Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, accuse la CGT d’être coresponsable de la fermeture de ce site après le refus d’une reprise partielle par l’américain Titan. Que répondez-vous?
TL : Ces propos sont indignes. Quand on est syndicaliste, on ne met pas au même niveau les victimes et les assassins, les salariés qui se battent et les multinationales qui font des profits. C’est une erreur de jeunesse. Pour dire cela, il ne faut pas avoir vécu un seul plan de restructuration dans sa vie. Titan voulait supprimer 400?emplois, ce n’était pas acceptable. Il aurait aussi fallu endosser un accord de compétitivité avec un gel des salaires, une hausse du temps de travail et une modification des horaires. Les salariés ont été consultés, ils ont refusé.
JDD : Vous réclamez toujours une loi contre les licenciements boursiers?
TL : Oui, il y a besoin de légiférer dans ce pays, pour que l’État ne laisse pas les groupes industriels faire seuls l’aménagement et surtout le déménagement de notre territoire. Aujourd’hui, l’État ne fait qu’accompagner les restructurations. Il n’y a pas de politique industrielle. Comme le précédent gouvernement, quand on leur demande où sont les priorités, aucun ministre ne sait répondre.
JDD : Arnaud Montebourg a dressé une liste des secteurs d’avenir…
TL : Où, quoi, comment? Les voitures électriques? Où est le plan qui équiperait le pays en bornes pour recharger les batteries? Et les éoliennes? Et les hydroliennes? Concrètement, il n’y a rien. Mais cela ne l’empêche pas d’en parler beaucoup! J’ajoute que le gouvernement a renoncé au réacteur nucléaire de Penly, ce qui va nous poser beaucoup de difficultés à moyen terme. Sans énergie, pas d’industrie.
JDD : Le conflit chez Presstalis s’enlise. Son déficit et le marché de la presse quotidienne ne rendent-ils pas inéluctable la restructuration?
TL : Il y a un pourrissement voulu par les patrons de presse. On demande à Presstalis de faire plus avec moins. Personne ne veut payer la distribution. Chacun veut faire des économies, cela retombe sur les journalistes, les imprimeurs, les vendeurs. Nous, nous constatons qu’on ne vend pas moins de journaux, toutes catégories confondues.
Dans les prochains jours nous publierons plusieurs articles analysant l’Accord National Interprofessionnel et ses conséquences pour les salariés et les petites entreprises.
Pour en savoir plus :
texte de l’ANI
appel à la grève et à manifestations de la CGT et FO pour le 5 mars 2013