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Israël-Palestine : un citoyen de Wattrelos demande au député Dominique Baert, action, courage et prise de responsabilités

Wattrelos le 28 août 2014

Jean Pierre TONDER
59150 WATTRELOS

 

Monsieur Dominique BAERT
Député du Nord
Hôtel de Ville de Wattrelos

Monsieur le Député,
Durant des semaines la population palestinienne de la bande de Gaza a été pilonnée par l’armée israélienne (la 5 ème armée du monde). Le bilan est très lourd.

A ce jour 2.105 morts palestiniens dont 563 enfants, 269 femmes et 110 personnes âgées. 10.540 blessés lors de ces bombardements aveugles de l’armée d’occupation israélienne, dont 1.997 femmes, 434 personnes âgées et 3.190 enfants. Plus de 7840 raids israéliens en quarante-huit jours partout dans la bande de Gaza. Côté israélien, 64 soldats et quatre civils ont perdu la vie.
L’ampleur de cette intervention militaire est considérable (1*).

En France et partout dans le monde des citoyens épris de paix et de justice se sont mobilisés pour l’arrêt de ce massacre de civils et pour que le droit soit enfin respecté en Palestine, territoire occupé par l’Etat Israélien. Le courage du peuple palestinien et la mobilisation mondiale qui s’est réalisée autour d’eux ont permis le cessez-le-feu qui vient d’être signé.
Construire la paix dans cette région du monde c’est garantir la sécurité des deux peuples et contribuer à leur développement respectif. Seule la paix, le plus vite possible, permettra aux
jeunes générations de construire l’avenir.
Les faits sont têtus. Le gouvernement de droite d’Israël, soutenu par son extrême ne veut pas la paix.

Il occupe des territoires palestiniens, construit un mur de séparation en Cisjordanie, multiplie la construction de colonies, il rejette les résolutions de l’ONU qui le condamne depuis des décennies (2*), il emprisonne plus de 6.000 palestiniens dont 183 sans accusation ni jugements sous le coup d’une détention administrative. Plus de 700 enfants sont en prison pour avoir jetés des pierres. A ce jour 35 députés palestiniens et 3 anciens ministres sont emprisonnés.
Cette situation ne peut durer. Je partage totalement le point de vue de Michel Tubiana ancien président de la Ligue des droits de l’homme quand il déclare :
«Il faut que la communauté internationale prenne ses responsabilités car s’il est une chose qu’elle ne fait pas depuis maintenant des décennies dans cette affaire qui dure depuis
longtemps, c’est bien cela. À elle de prendre les mesures nécessaires pour que cet État respecte le droit international comme n’importe quel autre État. Si la communauté internationale se met d’accord, il ne sera pas très compliqué de régler ce conflit. Je vois mal qu’Israël puisse à lui seul décider de se rebeller contre la totalité de la communauté internationale. Le problème, aujourd’hui, c’est qu’Israël dispose d’un parrain absolu qui le couvre systématiquement, qui sont bien évidemment les États-Unis. Et puis, Israël dispose du soutien d’autres États pour des raisons diverses qui tiennent à l’histoire et aux rapports de forces d’aujourd’hui. Ils passent leur temps à tenir des discours et à ne pas les convertir en actes. Je pense à l’Union européenne qui ne cesse de payer la reconstruction des biens palestiniens que les Israéliens ne cessent de détruire. Il faudra bien que la communauté internationale, qui s’est donné les moyens de créer une Cour pénale internationale, apprenne que ne peuvent rester impunies les morts de femmes et d’enfants. Tirer sur des civils, quelle  que soit leur nationalité, est un crime de guerre passible en tant que tel de la Cour pénale internationale. »

Le poids de la France au sein de cette communauté est important comme au sein de l’ONU.

Hier sous les gouvernements de droite et aujourd’hui avec le PS au commande, la France parle mais n’agit pas pour que le droit l’emporte sur la force. Sans surprise les partis et élus de droite en France et de l’extrême droite se sont tus (à part Dominique de Villepin) durant ces 50 jours de bombardements sur Gaza. Les déclarations de François Hollande ont, quant à elles, été en retrait de celles de ces prédécesseurs à l’Elysée.

Monsieur le Député, je salue les quelques élus et militants socialistes français qui, à titre individuel, ont rendu public leur condamnation de l’intervention militaire israélienne. Par
contre je ne comprends pas que le député socialiste du Nord que vous êtes ne se soit pas joint à cette condamnation ni exprimé sur son blog durant cette période.

Comme vous l’ignorez peut être, l’archevêque émérite sud-africain Desmond Tutu, compagnon de lutte de Nelson Mandela vient d’appeler à un boycott mondial d’Israël et adresse au peuple israélien le plaidoyer :

« Libérez-vous en libérant la Palestine ». Il a appelé « les sœurs et frères israéliens présents à la conférence internationale des architectes qui se tenait en Afrique du Sud à se dissocier activement, ainsi que leur profession, de la conception et de la construction d’infrastructures visant à perpétuer l’injustice, notamment à travers le mur de séparation, les terminaux de sécurité, les points de contrôle et la construction de colonies construites en territoire palestinien occupé ». Il ajoutait « Le mois dernier, 17 gouvernements européens ont appelé leurs citoyens à ne plus entretenir de relations commerciales ni investir dans les colonies israéliennes illégales. Récemment, on a pu voir le fond de pension néerlandais PGGM retirer des dizaines de millions d’euros des banques israéliennes, la fondation Bill et Melinda Gates désinvestir de G4S, et l’église presbytérienne américaine se défaire d’un investissement d’environ 21 millions de dollars dans les entreprises HP, Motorola Solutions et Caterpillar. C’est un mouvement qui prend de l’ampleur.
Nous, Sud-Africains, connaissons la violence et la haine. Nous savons ce que cela signifie d’être les oubliés du monde, quand personne ne veut comprendre ou même écouter ce que nous exprimons. Mais nous savons aussi ce que le dialogue entre nos dirigeants a permis, quand des organisations qu’on accusait de « terroristes » furent à nouveau autorisées, et que
leurs meneurs, parmi lesquels Nelson Mandela, furent libérés de prison ou de l’exil. Bien sûr, le fait d’avoir eu des dirigeants extraordinaires nous a aidés. Mais ce qui au final a poussé ces dirigeants à se réunir autour de la table des négociations a été la panoplie de moyens efficaces et non-violents qui avaient été mis en œuvre pour isoler l’Afrique du Sud sur les plans économique, académique, culturel et psychologique. A un moment charnière, le gouvernement de l’époque avait fini par réaliser que préserver l’apartheid coûtait plus qu’il ne rapportait. L’embargo sur le commerce infligé dans les années 80 à l’Afrique du Sud par des multinationales engagées fut un facteur clé de la chute, sans effusion de sang, du régime d’apartheid. Ces entreprises avaient compris qu’en soutenant l’économie sud-africaine, elles contribuaient au maintien d’un statu quo injuste. »

« La raison pour laquelle ces outils – boycott, sanctions et retraits des investissements – se sont finalement avérés efficaces, est qu’ils bénéficiaient d’une masse critique de soutien,
aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le même type de soutien envers la Palestine dont nous avons été témoins de par le monde durant ces dernières semaines ».

Monsieur le Député
L’heure est à l’action. La France doit exiger la levée totale du blocus de Gaza, l’arrêt immédiat des colonies, la suspension de l’accord Union Européenne/Israël, l’arrêt de toute coopération militaire avec Israël et l’embargo sur les armes, l’interdiction des investissements dans les colonies israéliennes, la libération de tous les prisonniers palestiniens parmi lesquels Marwan Barghouti.

La France doit être à la tête d’une campagne internationale afin que les résolutions de l’ONU soient appliquées en particulier la reconnaissance de l’Etat Palestinien dans ses frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale.

Il appartient aux députés de la République Française de prendre leurs responsabilités avec courage car il n’y a pas d’autres solutions pour construire la paix dans cette région du globe.
Monsieur le Député
Comme citoyen, parmi tant d’autres, animé par un esprit de justice et de paix, je prends mes responsabilités de manière publique. J’attends de votre part la même chose.
Dans l’attente de lire votre courrier en réponse à ma lettre et votre prochaine déclaration publique, recevez Monsieur le Député, mes cordiales salutations.

Jean Pierre TONDER
(1 *) Des quartiers effacés de la carte. 2.520 maisons détruites totalement et 5.790 maisons endommagées. Plus de 27.000 personnes sont sans-abri après la destruction de leurs maisons. 120 mosquées détruites et une église visée. 5 universités et 150 écoles publiques bombardées dont 25 détruites. 5 écoles de l’ONU visées et 5 hôpitaux bombardés. 29 centres médicaux bombardés. 120 usines détruites. 3 banques visées. 20 organisations et associations détruites. 30 postes de polices touchés et 50 bâtiments publics bombardés. La centrale électrique détruite totalement. 30 puits d’eau bombardés. 11 cimetières bombardés. Des routes et des terrains agricoles détruits. Des infrastructures civiles détruites. Les pertes économiques à Gaza dépasse 4 milliards d’euros
(2*) Les résolutions de l’ONU qu’Israël ne respecte pas : http://www.un.org/french/documents/scres.htm  Résolutions 228 – 242 – 252 – 298 – 338- 446 –
452 – 465 – 468 – 471- 476 -478 – 605 –

Desmond TUTU dans le journal israélien Haaretz : Libérez-vous en libérant la Palestine

Mon plaidoyer pour le peuple d’Israël: Libérez-vous en libérant la Palestine

L’archevêque émérite Desmond Tutu, dans un article exclusif pour le journal Haaretz, appelle à un boycott mondial d’Israël et demande aux Israéliens et aux Palestiniens de réfléchir au delà de leurs dirigeants à une solution durable à la crise en Terre Sainte.

Publié initialement sur http://www.haaretz.com/opinion/1.610687. Traduction par la communauté d’Avaaz

Les dernières semaines, des membres de la société civile du monde entier ont lancé des actions sans précédent contre les ripostes brutales et disproportionnées d’Israël au lancement de roquettes depuis la Palestine.

Si l’on fait la somme de tous les participants aux rassemblements du week-end dernier exigeant justice en Israël et en Paslestine – à Cape Town, Washington, New-York, New Delhi, Londres, Dublin et Sydney, et dans toutes les autres villes – cela représente sans aucun doute le plus important tollé de l’opinion citoyenne jamais vu dans l’histoire de l’humanité autour d’une seule cause.

Cape Town 17 07 2014

Cape Town 17 07 2014

Il y a un quart de siècle, j’ai participé à des manifestations contre l’apartheid qui avaient rassemblé beaucoup de monde. Je n’aurais jamais imaginé que nous assisterions de nouveau à des manifestations d’une telle ampleur, mais celle de samedi dernier à Cape Town fut au moins aussi importante. Les manifestants incluaient des gens jeunes et agés, musulmans, chrétiens, juifs, hindous, bouddhistes, agnostiques, athéistes, noirs, blancs, rouges et verts… C’est ce à quoi on pourrait s’attendre de la part d’une nation vibrante, tolérante et muticulturelle.

J’ai demandé à la foule de chanter avec moi : « Nous sommes opposés à l’injustice de l’occupation illégale de la Palestine. Nous sommes opposés aux assassinats à Gaza. Nous sommes opposés aux humiliations infligées aux Palestiniens aux points de contrôle et aux barrages routiers. Nous sommes opposés aux violences perpétrées par toutes les parties. Mais nous ne sommes pas opposés aux Juifs. »

Plus tôt dans la semaine, j’ai appelé à suspendre la participation d’Israël à l’Union Internationale des Architectes qui se tenait en Afrique du Sud.

J’ai appelé les soeurs et frères israéliens présents à la conférence à se dissocier activement, ainsi que leur profession, de la conception et de la construction d’infrastructures visant à perpétuer l’injustice, notamment à travers le mur de séparation, les terminaux de sécurité, les points de contrôle et la construction de colonies construites en territoire palestinien occupé.

« Je vous implore de ramener ce message chez vous : s’il vous plaît, inversez le cours de la violence et de la haine en vous joignant au mouvement non violent pour la justice pour tous les habitants de la région », leur ai-je dit.

Au cours des dernières semaines, plus de 1,7 million de personnes à travers le monde ont adhéré au mouvement en rejoignant une campagne d’Avaaz demandant aux compagnies tirant profit de l’occupation israélienne et/ou impliquées dans les mauvais traitements et la répression des Palestiniens de se retirer. La campagne vise spécifiquement le fonds de pension des Pays-Bas ABP, la Barclays Bank, le fournisseur de systèmes de sécurité G4S, les activités de transport de la firme française Véolia, la compagnie d’ordinateurs Hewlett-Packard et le fournisseur de bulldozers Caterpillar.

Le mois dernier, 17 gouvernements européens ont appelé leurs citoyens à ne plus entretenir de relations commerciales ni investir dans les colonies israéliennes illégales.

Récemment, on a pu voir le fond de pension néerlandais PGGM retirer des dizaines de millions d’euros des banques israéliennes, la fondation Bill et Melinda Gates désinvestir de G4S, et l’église presbytérienne américaine se défaire d’un investissement d’environ 21 millions de dollars dans les entreprises HP, Motorola Solutions et Caterpillar.

C’est un mouvement qui prend de l’ampleur.

La violence engendre la violence et la haine, qui à son tour ne fait qu’engendrer plus de violence et de haine.

Rabbins pour la Palestine New York

Rabbins pour la Palestine New York

Nous, Sud-Africains, connaissons la violence et la haine. Nous savons ce que cela signifie d’être les oubliés du monde, quand personne ne veut comprendre ou même écouter ce que nous exprimons. Cela fait partie de nos racines et de notre vécu.

Mais nous savons aussi ce que le dialogue entre nos dirigeants a permis, quand des organisations qu’on accusait de « terroristes » furent à nouveau autorisées, et que leurs meneurs, parmi lesquels Nelson Mandela, furent libérés de prison ou de l’exil.

Nous savons que lorsque nos dirigeants ont commencé à se parler, la logique de violence qui avait brisé notre société s’est dissipée pour ensuite disparaître. Les actes terroristes qui se produisirent après le début ces échanges – comme des attaques sur une église et un bar – furent condamnés par tous, et ceux qui en étaient à l’origine ne trouvèrent plus aucun soutien lorsque les urnes parlèrent.

L’euphorie qui suivit ce premier vote commun ne fut pas confinée aux seuls Sud-Africains de couleur noire. Notre solution pacifique était merveilleuse parce qu’elle nous incluait tous. Et lorsqu’ensuite, nous avons produit une constitution si tolérante, charitable et ouverte que Dieu en aurait été fier, nous nous sommes tous sentis libérés.

Bien sûr, le fait d’avoir eu des dirigeants extraordinaires nous a aidés.

Mais ce qui au final a poussé ces dirigeants à se réunir autour de la table des négociations a été la panoplie de moyens efficaces et non-violents qui avaient été mis en oeuvre pour isoler l’Afrique du Sud sur les plans économique, académique, culturel et psychologique.

A un moment charnière, le gouvernement de l’époque avait fini par réaliser que préserver l’apartheid coûtait plus qu’il ne rapportait.

L’embargo sur le commerce infligé dans les années 80 à l’Afrique du Sud par des multinationales engagées fut un facteur clé de la chute, sans effusion de sang, du régime d’apartheid. Ces entreprises avaient compris qu’en soutenant l’économie sud-africaine, elles contribuaient au maintien d’un statu quo injuste.

Ceux qui continuent de faire affaire avec Israël, et qui contribuent ainsi à nourrir un sentiment de « normalité » à la société israélienne, rendent un mauvais service aux peuples d’Israël et de la Palestine. Ils contribuent au maintien d’un statu quo profondément injuste.

Ceux qui contribuent à l’isolement temporaire d’Israël disent que les Israéliens et les Palestiniens ont tous autant droit à la dignité et à la paix.

A terme, les évènements qui se sont déroulés à Gaza ce dernier mois sont un test pour ceux qui croient en la valeur humaine.

Il devient de plus en plus clair que les politiciens et les diplomates sont incapables de trouver des réponses, et que la responsabilité de négocier une solution durable à la crise en Terre Sainte repose sur la société civile et sur les peuples d’Israël et de Palestine eux-mêmes.

Outre la dévastation récente de Gaza, des personnes honnêtes venant du monde entier – notamment en Israël – sont profondément perturbées par les violations quotidiennes de la dignité humaine et de la liberté de mouvements auxquelles les Palestiniens sont soumis aux postes de contrôle et aux barrages routiers. De plus, les politiques israëliennes d’occupation illégale et la construction d’implantations en zones tampons sur le territoire occupé aggravent la difficulté de parvenir à un accord qui soit acceptable pour tous dans le futur.

L’Etat d’Israël agit comme s’il n’y avait pas de lendemain. Ses habitants ne connaîtront pas l’existence calme et sécuritaire à laquelle ils aspirent, et à laquelle ils ont droit, tant que leurs dirigeants perpétueront les conditions qui font perdurer le conflit.

J’ai condamné ceux qui en Palestine sont responsables de tirs de missiles et de roquettes sur Israël. Ils attisent les flammes de la haine. Je suis opposé à toute forme de violence.

Mais soyons clairs, le peuple de Palestine a tous les droits de lutter pour sa dignité et sa liberté. Cette lutte est soutenue par beaucoup de gens dans le monde entier.

Nul problème créé par l’homme n’est sans issue lorsque les humains mettent en commun leurs efforts sincères pour le résoudre. Aucune paix n’est impossible lorsque les gens sont déterminés à l’atteindre.

La paix nécessite que le peuple d’Israël et le peuple de Palestine reconnaissent l’être humain qui est en eux et se reconnaissent les uns les autres afin de comprendre leur interdépendance.

Les missiles, les bombes et les invectives brutales ne sont pas la solution. Il n’y a pas de solution militaire.

La solution viendra plus probablement des outils non violents que nous avons développés en Afrique du Sud dans les années 80 afin de persuader le gouvernement sud africain de la nécessité de changer sa politique.

La raison pour laquelle ces outils – boycott, sanctions et retraits des investissements – se sont finalement avérés efficaces, est qu’ils bénéficiaient d’une masse critique de soutien, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le même type de soutien envers la Palestine dont nous avons été témoins de par le monde durant ces dernières semaines.

Mon plaidoyer envers le peuple d’Israël est de voir au-delà du moment, de voir au-delà de la colère d’être perpétuellement assiégé, de concevoir un monde dans lequel Israël et la Palestine coexistent – un monde dans lequel règnent la dignité et le respect mutuels.

Cela demande un changement de paradigme. Un changement qui reconnaisse qu’une tentative de maintenir le statu-quo revient à condamner les générations suivantes à la violence et l’insécuruté. Un changement qui arrête de considérer une critique légitime de la politique de l’Etat comme une attaque contre le judaisme. Un changement qui commence à l’intérieur et se propage à travers les communautés, les nations et les régions- à la diaspora qui s’étend à travers le monde que nous partageons. Le seul monde que nous partageons !

Quand les gens s’unissent pour accomplir une cause juste, ils sont invincibles. Dieu n’interfère pas dans les affaires humaines, dans l’espoir que la résolution de nos différends nous fera grandir et apprendre par nous-mêmes. Mais Dieu ne dort pas. Les textes sacrés juifs nous disent que Dieu est du côté du faible, du pauvre, de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger qui a permis à des esclaves d’entamer leur exode vers une Terre Promise. C’est le prophète Amos qui a dit que nous devrions laisser la justice couler telle une rivière.

À la fin, le bien triomphera. Chercher à libérer le peuple de Palestine des humiliations et des persécutions que lui inflige la politique d’Israël est une cause noble et juste. C’est une cause que le peuple d’Israël se doit de soutenir.

Nelson Mandela a dit que les Sud Africains ne se sentiraient pas complètement libres tant que les Palestiniens ne seraient pas libres.

Il aurait pu ajouter que la libération de la Palestine serait également la libération d’Israël.

Nous, les Sud-Africains, nous n’avons aucun doute sur le fait que les Palestiniens obtiendront un jour justice


Entretien avec Donnie Kasrils, compagnon de route de Nelson Mandela, membre fondateur de la branche armée de IANG, Ronnie Kasrils a combattu I’apartheid en Afrique du sud dès le début des années 1960, alors qu’il.était âgé de 20 ans. Homme politique, écrivain [1], il livre une dernière bataille : faire reconnaître les droits des Palestiniens à leur terre. Petit-fils d’immigrés juifs, il affirme que la cause du peuple palestinien est juste.

Interview publié dans l’Humanité Dimanche du 31 juillet au 6 août 2014.


HD : Vous faites souvent la comparaison entre l’apartheid que vous avez vécu en Afrique du Sud et la situation du peuple palestinien, pourquoi ?

Ronnie Kasrils : Les deux peuples autochtones de ces deux pays ont été dépossédés de leurs terres par des personnes mues par un projet colonial. Le fait de s’emparer des terres conduit nécessairement à créer une résistance au sein de
la population, et donc à des répressions.

Mais la répression subie par les Palestiniens est pire que celle que l’on a connue. Tous ceux qui ont lutté en Afrique du Sud contre l’apartheid et qui visitent la Cisjordanie ou la bande de Gaza reviennent choqués et disent que c’est « comme l’apartheid », avant de se reprendre et d’ajouter : « C’est même pire ! » Bien sûr, il y a eu des massacres en Afrique du Sud (Soweto et Shaperville), mais jamais nous n’avons subi, comme à Gaza, des raids aériens, des bombes, des missiles, dans des zones densément peuplées.

HD : Alors pourquoi, selon vous, ce drame palestinien n’est pas perçu par la communauté internationale comme aussi intolérable qu’en Afrique du Sud ?

R.K. : Je pense tout d’abord qu’il y a une certaine sympathie pour les juifs, après ce qu’ils ont subi pendant l’Holocauste. Mais la seconde raison qui explique cette différence de traitement, c’est que les puissances occidentales considèrent qu’Israël joue un rôle stratégique très important dans le contrôle de leurs intérêts au Moyen-Orient. La complicité des grandes puissances permet donc à Israël de violer toutes les résolutions de I’ONU.

HD : Est-ce que le fait que nos dirigeants politiques présentent le conflit en renvoyant « dos à dos » Israël et le Hamas, ne nous éloigne pas justement de cette
perception d’apartheid ?

R.K. : Oui tout à fait. C’est inexcusable pour votre président, François Hollande, d’avoir cautionné l’offensive israélienne alors que des enfants et des femmes étaient massacrés comme à la boucherie. Les hommes politiques ne sont pas les seuls responsables de cette situation, les médias occidentaux relayent aussi cette propagande sioniste, fabriquée de toutes pièces. Mais cette machine de
propagande est en train de « craquer ». Les grandes manifestations en faveur du peuple palestinien dans le monde et la croissance du mouvement de boycott, prouvent que l’opinion n’est pas si crédule qu’on le pense.

HD : En Afrique du Sud, la lutte avait un visage, celui de Mandela, n’est-ce pas le problème des Palestiniens qui manquent peut-être d’un leader. Certains sont
morts, d’autres, comme Marwan Barghouti, en prison…

R.K. : Et c’est bien pour cela que des Palestiniens sont tués ou emprisonnés. C’est pour empêcher la naissance d’un meneur de troupes. Maintenant, d’autres leaders vont émerger, car c’est dans la lutte qu’éclosent les leaders. Mais ne faites pas I’erreur de penser qu’en Afrique du Sud, nous n’avions que Mandela. Lui-même insistait pour dire que « ceux qui font l’histoire, ce sont les masses ».

HD : Vous êtes militant de la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions)contre Israël, pourquoi ?

R.K. : En Afrique du Sud, nous avions « 4 piliers » : la lutte armée, la lutte souterraine, la lutte politique au grand jour et le boycott. Ce n’est sûrement pas à moi de dicter aux Palestiniens ce qui, à tel ou tel moment, est le moyen de lutte le plus pertinent. En revanche, ce que je sais, c’est que, dans toutes les situations, il y a deux éléments qui sont vitaux : la résistance de la population opprimée et la solidarité internationale. Et si, justement, cette résistance est soutenue par un mouvement de boycott qui grandit au niveau international, je suis convaincu que la lutte du peuple palestinien sera victorieuse. Cela prendra du temps, mais ce n’est pas le moment de désespérer, car lorsque nous luttions contre l’apartheid, personne ne croyait que nous allions gagner. Et pourquoi nous avons gagné ? Parce que notre cause était juste, parce que nous avons utilisé différents moyens de lutte et parce que nous avons bénéficié de la solidarité internationale. Nous, les Sud-Africains, nous n’avons aucun doute sur le fait que les Palestiniens obtiendront un jour justice.

Entretien réalisé par Émilie Denètre, l’Humanité Dimanche


[1Ronnie Kasrils a écrit, notamment, « David et Goliath : qui est qui au Moyen-0rient« , publié par I’ANC en 2007.

Marwan Barghouti, prison Hadarim, cellule 28, rend hommage à Nelson Mandela

« Votre pays est devenu un phare et nous, les palestiniens, nous hissons les voiles pour atteindre ses rivages »

Durant toutes les longues années de mon combat j’ai eu l’occasion à maintes reprises de penser à vous, cher Nelson Mandela. Et marwan 1encore plus depuis ma propre arrestation en 2002. Je songe à un homme qui a passé 27 ans dans une cellule, en s’efforçant de démontrer que la liberté était en lui avant qu’elle ne devienne une réalité dont son peuple allait s’emparer. Je songe à sa capacité à défier l’oppression et l’apartheid, mais aussi à rejeter la haine et à placer la justice au dessus de la vengeance.

Combien de fois avez-vous douté de la victoire au bout de ce combat ? Combien de fois vous êtes vous demandé vous-même si la justice pourrait s’imposer? Combien de fois vous êtes vous interrogé sur le silence du monde ? Combien de fois vous êtes vous demandé si votre ennemi n’allait jamais pouvoir devenir votre partenaire ? A la fin vous ferez la preuve de cette volonté implacable qui fera de votre nom l’une des plus brillantes références pour la liberté.

Vous êtes beaucoup plus qu’une inspiration. Vous aviez bien compris le jour où vous êtes sorti de prison que vous n’étiez pas seulement en train d’écrire l’histoire mais que vous contribuiez au triomphe de la lumière sur la nuit. Et vous êtes alors resté humble. Et vous portiez une promesse bien au-delà des frontières de votre pays, la promesse que l’oppression et l’injustice seront vaincues et que sera ouverte la voie de la liberté et de la paix. Au fond de ma cellule, je me rappelle sans cesse cette démarche et je poursuis moi-même cette quête, et tous les sacrifices deviennent supportables dans la seule perspective qu’un jour le peuple palestinien puisse accéder aussi à la liberté, à l’indépendance et que ce pays puisse vivre finalement en paix.

marwan 3Vous êtes devenu une icône. Ce qui a permis l’éclat de votre cause et son rayonnement sur la scène internationale. L’universalité pour contrer l’isolation. Vous êtes devenu un symbole pour tous ceux qui croient que les valeurs universelles sur lesquelles vous fondiez votre combat pouvaient rassembler, mobiliser, pousser à l’action. L’unité est la loi de la victoire pour les peuples opprimés. La cellule exigüe et les heures de travail forcé, la solitude et l’obscurité ne vous auront pas empêché de regarder au-delà de l’horizon et de faire partager votre vision. Votre pays est devenu un phare et nous, les palestiniens, nous hissons les voiles pour atteindre ses rivages.

 Vous disiez: « Nous savons trop bien que notre liberté n’est pas  complète car il lui manque la liberté des palestiniens.» Et depuis l’intérieur de  ma cellule, je vous dis que notre liberté semble possible parce que vous avez atteint la votre. L’apartheid n’a pas survécu en Afrique du sud et l’apartheid ne survivra pas en Palestine. Nous avons eu le grand privilège d’accueillir en Palestine, il y a quelques mois, votre camarade et compagnon de lutte, Ahmed Kathrada, qui a lancé, à la suite de sa visite, la campagne internationale pour la libération des prisonniers palestiniens de leurs  cellules où une part importante de l’histoire universelle s’écrit, démontrant que les liens avec vos combats sont éternels.

Votre capacité à constituer une figure unificatrice et à conduire le mouvement depuis l’intérieur de la prison, d’être confiant dans l’avenir de votre peuple alors que vous étiez vous-même privé de la capacité de choisir votre destin, constituent les marques d’un dirigeant exceptionnel et d’une véritable figure historique. Je salue le combattant de la liberté, le négociateur et faiseur de paix, le commandant militaire et l’inspirateur de la résistance pacifique, le militant infatigable et l’homme d’Etat.

Vous avez dédié votre vie à la cause de la liberté et de la dignité, de la justice et de la réconciliation, de la paix et de la coexistence. Beaucoup maintenant honorent votre lutte dans leurs discours. En Palestine nous promettons de poursuivre le combat pour nos valeurs communes, et d’honorer votre combat pas seulement par des mots, mais aussi en dédiant nos vies aux mêmes objectifs.

marwan 2

La liberté, cher Madiba, l’emportera et vous y avez contribué au plus haut point en faisant de cette idée une certitude. Reposez en paix et Dieu bénisse votre âme insoumise.

Marwan Barghouti, Prison Hadarim, cellule n° 28