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Nous qui habitons à Roubaix, nous souhaitons donner l’espoir d’une vie meilleure . Par Yves Zoberman

Yves Zoberman, roubaisien et récent co-auteur avec Virginie Martin dans la Revue Parlementaire de : Européennes : bien-pensants progressistes contre ennemis populistes, une dialectique politiquement faible.

auteur d’Une histoire du chômage. De l’Antiquité à nos jours.

Il est membre du Collectif à Gauche pour Roubaix. Il nous a autorisé à publier sa contribution, pour une politique municipale qui redonne espoir d’un vie meilleur à Roubaix ; participant ainsi au véritable débat de fond que méritent les roubaisiens, au delà des guéguerres politiciennes et des ambitions personnelles stériles.

Nous qui habitons à Roubaix, nous souhaitons donner l’espoir d’une vie meilleure et construire avec pragmatisme et bienveillance une communauté politique sociale et conviviale où chacun trouve sa place. Pour cela, nous souhaitons mettre en avant la solidarité indispensable pour agir ensemble, dans une cité où personne ne sera laissé pour compte, par l’intermédiaire d’un revenu minimum d’existence expérimental, avec l’aide des fonds européens. Cette ambition qui privilégie la qualité de vie comprenant une mobilité douce privilégiant les piétons, les vélos ; une animation commerciale dynamique s’appuyant sur l’éco-citoyenneté ; une végétalisation de notre cité où les espaces verts et les jardins ouvriers et citoyens constitueront le fondement de son développement. La ville sera urbaine et aimable afin d’être respectée et aimée. Vous en serez les bâtisseurs.

Reconstruire la ville

« Une ville où l’on se rencontre et on se sent bien »

Nous qui militons pour une ville qui exerce avec détermination ses responsabilité de ville attractive mais qui pense d’abord à ses habitants, notre projet entend d’abord repenser les équilibres des mobilités en favorisant tous les déplacements non polluants et l’implantation massive des espaces verts. Le développement de véhicules électriques, le renforcement du nombre de parkings relais, constitueront une priorité.

Le « Pari vélo de Roubaix », s’appuiera sur la tradition du vélo dans notre ville avec plus d’aménagements pensés pour les cyclistes, des bandes cyclables en sites propre plus nombreuses, des parcs à vélos plus sécurisés. De même il faudra écouter le désir des piétons d’être à l’aise dans leur cheminement avec notamment des trottoirs mieux et plus harmonieusement entretenus, et ce dans tous les quartiers.

Les autoroutes urbaines (notamment l’avenue de Nation Unies) qui existent aujourd’hui seront rapidement remplacées par des voies à vitesse limités à 30 km/h, comprenant des voies en site propres pour les transports en commun, les vélos où les trottoirs seront élargis pour permettre aux piétons de de mouvoir en toute sécurité et les abords végétalisés.

Nous qui voulons des quartier actifs, ouverts, nous entendons retisser, dans un projet partagé avec la MEL, les liens entre quartiers par-delà les autoroutes infranchissables en inventant de nouveaux cheminements (en imaginant de nouveaux moyens de transports collectifs (type tramway) et pourquoi pas des navettes gratuites, et très rapidement l’ensemble des transports gratuits en lien avec la MEL, en assurant une offre de service plus équilibrée notamment dans la couverture de stations VLILLE dans les quartiers, en redessinant un plan de circulation pour les vélos plus cohérent.

Nous qui portons l’exigence d’une ville plus juste et plus solidaire, nous souhaitons que la recherche d’une plus grande solidarité passant par une mixité sociale et générationnelle dans chacun de nos quartiers constitue la pierre angulaire de toute nos actions : en premier lieu, avec l’aide de fonds européens, (Fonds économique de développement régional, fonds social européen…).

La prochaine levée de fonds européens (2021-2027) propose de renforcer encore la dimension sociale de l’Union grâce à un nouveau Fonds social européen, le «Fonds social européen plus» (FSE+) et à un Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) renforcé et plus efficace. La Commission propose également un nouveau Fonds pour la justice, les droits et les valeurs, comprenant les programmes «Droits et valeurs» et «Justice». Roubaix, ville européenne par excellente, doit pouvoir être bénéficiaire de ces fonds et représentera un élément prépondérant de notre lobbying pour faire de Roubaix une ville européenne et moderne.

Le logement et l’aménagement urbain, notamment la modernisation de toutes les friches, constituent la richesse de notre patrimoine : ils constitueront une priorité de notre action pour au moins une mandature. De plus nous multiplierons des initiatives innovantes, par exemple le développement de zones de commerces plus vivants, des centres pour artisans, pour maintenir ou créer de la richesse économique au cœur des quartiers.

Nous voulons une ville plus aérée, nous proposons de réserver de grands espaces à la nature mais aussi prévoir des espaces de proximité en équilibrant leur présence entre les quartiers, de créer de nouveaux jardins et potagers urbains, d’imaginer des cheminements verts, de recourir aux matériaux et techniques innovants pour toutes nouvelles constructions : végétalisations des façades des toitures…

Nous qui voulons vivre dans une ville plus belle et plus agréable à vivre, nous proposons qu’une attention toute particulière soit apportée à tout ce qui dans l’aménagement de l’espace public peut nuire : les nouveaux aménagements qui dans leur conception ne prennent pas assez en compte la dimension sécurité des riverains, les « trous à incivilités » type parking sauvage qui appellent des réponses rapides, l’éclairage public parfois mal adapté…

Agir pour le renouveau humain de Roubaix

Nous qui aimons Roubaix, nous voulons construire une cité où pourra se développer une démocratie de l’altérité, où chacun trouve sa place en profitant des espaces de rencontre publics au travers de lieux intergénérationnels, mais aussi des commerces accessibles, où la convivialité et le développement économique se complètent pour entrer dans une modernité économique et humaine.

Nous qui qui pensons que vivre sa ville en toute quiétude est un droit, la sécurité dans l’espace public une priorité. Pour cela tout multipliant les actions d’éducation et de prévention, nous poserons sans dogmatisme toutes les problématiques liées aux moyens humains et technologiques, par exemple la vidéosurveillance.

Nous qui souhaitons une réelle démocratie participative et une circulation de l’information, nous souhaitons que les Conseils citoyens, le Conseil roubaisien de l’Interculturalité et de la citoyenneté et le conseil consultatif de la jeunesse, qui ont aujourd’hui des pouvoirs et des moyens limités, soient modernisés afin de leur donner des moyens plus importants permettant la mise en place d’une démocratie moderne et participative. Ainsi ces conseils participeront à une instance de contrôle de l’action municipale passant par la transformation de la démocratie locale donnant un rôle renforcé des mairies de quartier.

Nous qui aimons la culture et l’éducation, nous voulons développer le concept « d’éducation zéro échec ». Cela passe par une refonte complète de nos écoles et la création de maisons éducatives dans chaque quartier. Une éducation humaine, insérée dans son siècle et fière de sa tradition passe par une politique de l’enfance fondée sur un niveau académique et culturel de qualité de nos écoles maternelles et primaires.

A l’écoute de sa spécificité, et de nos productions culturelles dans tous les domaines en puisant dans nos richesses créatives d’abord au sein de nos quartiers en fédérant l’ensemble des associations, des lieux culturels comme le Musée de la Piscine, Travail et culture et la Condition publique notamment, et des écoles.

Nous souhaitons construire une ville dynamique où le tertiaire se développe, notre ville doit être accueillante aux petites industries, cela implique la nécessaire collaboration entre la Ville, les centres de recherche universitaires et assimilées, les entreprises locales, la population, faisant de Roubaix un pôle recherche appliquée.

Les artisans au sein d’ateliers partagés, services communs, et bénéficiant de formation en alternance auront la possibilité de concevoir leur développement dans des lieux de co-working avec services communs.

Nous qui concevons la vie comme la recherche d’une plus grande diversité, nous souhaitons favoriser le développement de notre cité sur l’apport positif de chacun. Pour cela, accueillant les différences en favorisant les politiques positives, nous mobiliserons les moyens municipaux en termes d’équipements, de présence de services publics, d’éléments employant la « maintenance urbaine » (voirie, propreté). Agissant sur le logement, et sa diversité, nous inciterons à développer la richesse économique en créant une nouvelle forme de « zone franche », tout en promouvant notamment une architecture de qualité.

Nous qui aspirons à une ville plus fraternelle nous proposons de (re)créer dans chaque quartier un véritable centre où chaque habitant pourra trouver les services publics dont il a besoin mais aussi tous ces espaces communs, tous ces lieux de proximités qui favorisent la rencontre, les équipements publics, les commerces, les cafés, mais aussi les bancs publics, les jeux pour enfants. Un centre où s’imaginent de nouveaux leviers de rencontre entre les habitants par la culture, l’éducation populaire, où s’inventent et se mettent de nouveaux services adaptés à l’évolution des usages par exemple au travers du transgénérationnel.

Culture, mondialité, émancipation : en finir avec la Guerre de 500 ans

via Culture, mondialité, émancipation : en finir avec la Guerre de 500 ans

Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.

Vous trouverez ci dessous l‘article de Pierre Rimbert paru dans Le Monde Diplomatique de Mai 2106.

« La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas »

Contester sans modération

En France, l’opposition à la réforme du code du travail et l’occupation des places par le mouvement Nuit debout ont convergé dans le refus d’une vision étriquée de la politique : évanouissement des espérances collectives dans le trou noir électoral, aménagement à la marge de l’ordre social. Assiste-t-on à la fin d’un cycle marqué par des revendications toujours plus limitées et jamais satisfaites ?

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Poids de quartz et balance en cuivre, Mohenjo-Daro (Pakistan), 2300-1500 av. J.-C.
Bridgeman Images

Demander peu et attendre beaucoup : dix-huit ans après la création de l’association Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens (Attac), en juin 1998, le prélèvement de 0,01 % à 0,1 % sur les transactions financières inspiré par l’économiste James Tobin pour « jeter du sable dans les rouages » des marchés tarde à voir le jour (lire « En attendant la taxe Tobin »). La forme édulcorée que négocient sans enthousiasme les cénacles européens rapporterait une fraction du montant (plus de 100 milliards d’euros) initialement escompté.

Mais, au fait, pourquoi avoir placé la barre si bas ? Pourquoi avoir tant bataillé pour l’introduction d’une si légère friction dans la mécanique spéculative ? Le confort du regard rétrospectif et les enseignements de la grande crise de 2008 suggèrent que l’interdiction pure et simple de certains mouvements de capitaux parasitaires se justifiait tout autant.

Cette prudence revendicative reflète l’état d’esprit d’une époque où le crédit d’une organisation militante auprès d’un public urbain et cultivé se mesurait à sa modération. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la guerre froide et la proclamation par les néoconservateurs américains de la « fin de l’histoire », toute opposition frontale au capitalisme de marché se trouvait frappée d’illégitimité, non seulement aux yeux de la classe dirigeante, mais aussi auprès des classes moyennes désormais placées au centre du jeu politique. Pour convaincre, pensait-on, il fallait se montrer « raisonnable ».

Certes, la fameuse taxe infradécimale — 0,1 % — présente dans son inaboutissement même une vertu pédagogique incontestable : si l’ordre économique s’obstine à refuser un aménagement aussi modique, c’est qu’il est irréformable — et donc à révolutionner. Mais pour provoquer cet effet de révélation, il fallait jouer le jeu et se placer sur le terrain de l’adversaire, celui de la « raison économique ». L’idée d’un ordre à contester avec modération s’imposait en France avec d’autant plus d’évidence que l’initiative politique avait changé de camp. Depuis le tournant libéral du gouvernement de Pierre Mauroy, en mars 1983, non seulement la gauche a cessé d’avancer des propositions susceptibles de « changer la vie », mais les dirigeants politiques de toutes obédiences font pleuvoir sur le salariat une grêle de restructurations industrielles, de contre-réformes sociales, de mesures d’austérité budgétaire. En l’espace de quelques années, le rapport à l’avenir bascule.

La révolte des sidérurgistes de Longwy contre les fermetures d’usines en 1978-1979 traçait, par son inventivité, l’épure d’une contre-société (1). Celle tout aussi massive des ouvriers du fer en 1984 ne caresse plus le rêve de transformation sociale. L’heure des combats défensifs a sonné, au début des années 1980 en France comme en Allemagne après la mise au pas de l’opposition extraparlementaire, en 1985 au Royaume-Uni après l’échec de la grande grève des mineurs. Il s’agit dès lors de rendre la vie un peu moins dure, de se retrancher pour atténuer le rythme et l’impact des déréglementations, des privatisations, des accords commerciaux, de la corrosion du droit du travail. Indispensable préalable, la sauvegarde des conquêtes sociales dicte son urgence et s’impose peu à peu comme l’horizon indépassable des luttes.

Définir ce que l’on désire vraiment

En 1995, à la veille de l’élection présidentielle, même les partis qui s’étaient réclamés du communisme se résignent à ne plus mettre en avant que des revendications comme l’interdiction des licenciements, l’augmentation du salaire minimum et la baisse du temps de travail dans un cadre salarial inchangé. Emmené par la Confédération générale du travail (CGT) et Solidaires, le mouvement victorieux de novembre-décembre 1995 contre la réforme de la Sécurité sociale conduite par M. Alain Juppé souleva un temps l’hypothèse d’un passage de relais d’une gauche politique exsangue à une gauche syndicale revigorée. La suite fut plutôt marquée par l’essor de l’altermondialisme.

L’approche internationale de ce mouvement, son calendrier de rassemblements et ses nouvelles manières de militer reposaient sur un principe distinct à la fois des affrontements idéologiques post-soixante-huitards et des indignations morales façon Restos du cœur : la contre-expertise, appuyée sur des analyses savantes bien faites pour convaincre des sympathisants plus familiers des amphithéâtres que des chaînes de montage. Avec ses économistes et ses sociologues, son sigle en pourcentage et ses déchiffrages, ses antimanuels et ses universités d’été, Attac se donnait pour mission de populariser une critique experte de l’ordre économique. A chaque décision gouvernementale affaiblissant les services publics, à tout accord de libre-échange concocté en douce par les institutions financières internationales répondaient d’impeccables argumentaires, des dizaines d’ouvrages, des centaines d’articles.

Qu’il s’agisse d’inégalités, de politique internationale, de racisme, de domination masculine, d’écologie, chaque secteur protestataire exhibe depuis cette époque ses penseurs, ses universitaires, ses chercheurs, dans l’espoir de crédibiliser ses choix politiques par l’onction de la légitimation savante. Cette critique, conjuguée à la dégradation des conditions de vie, a permis de mobiliser des populations politiquement inorganisées, mais qui se découvraient vulnérables à une mondialisation dont la violence se concentrait jusque-là sur le monde ouvrier.

Le mouvement, auquel Le Monde diplomatique fut étroitement associé, aura convaincu de son sérieux, remporté des victoires dans le monde intellectuel, dans les livres, dans la presse, et même percé l’écran des journaux télévisés. Il aura passé un temps infini à répéter des évidences tandis que ses adversaires, sans scrupules et sans relâche, mettaient en œuvre leurs « réformes ». Comme l’avait suggéré la vague contre-culturelle des années 1970, un ordre politique de droite s’accommode fort bien de best-sellers de gauche. Opposer sa bonne volonté savante à la mauvaise foi politique de l’adversaire aura sans doute rendu la critique plus audible. Mais pas plus efficace, comme en fera l’amère expérience, en 2015, le ministre des finances grec Yanis Varoufakis, dont les raisonnements académiquement homologués ne pesèrent pas bien lourd face à l’acharnement conservateur de l’Eurogroupe (2).

Sur la fresque idéologique qui couvre la période 1995-2015 coexistent deux éléments contradictoires. D’un côté, une repolitisation frémissante, puis bouillonnante, qui se traduit par une succession de luttes et de mouvements sociaux massifs : 1995 (Sécurité sociale), 1996 (sans-papiers), 1997-1998 (chômeurs), 2000-2003 (sommet de la vague altermondialiste), 2003 (retraites), 2005 (banlieues), 2006 (étudiants précaires), 2010 (retraites à nouveau), 2016 (droit du travail), rejet des grands projets inutiles (en particulier depuis 2012). De l’autre, des institutions contestataires fragilisées : forces syndicales dos au mur, mouvement social tourné — ou détourné — vers l’expertise, partis de la gauche radicale enlisés dans les sables d’un jeu institutionnel discrédité. Le souffle, les espoirs, l’imagination et la colère des uns ne résonnent pas dans les slogans, les livres et les programmes des autres.

Tout se passe comme si trente années de batailles défensives avaient privé les structures politiques de leur capacité à proposer, fût-ce dans l’adversité, une visée de long terme désirable et enthousiasmante — ces « jours heureux » qu’avaient imaginés les résistants français au début de l’année 1943. Dans un contexte infiniment moins sombre, nombre d’organisations et de militants se sont résignés à ne plus convoiter l’impossible, mais à solliciter l’acceptable ; à ne plus aller de l’avant, mais à souhaiter l’arrêt des reculs. A mesure que la gauche érigeait sa modestie en stratégie, le plafond de ses espoirs s’abaissait jusqu’au seuil de la déprime. Ralentir le rythme des régressions : tâche nécessaire, mais perspective d’autant moins encourageante qu’elle fait ressembler l’« autre monde possible » au premier, en un peu moins dégradé. Symbole d’une époque, la précarité a déteint sur le combat idéologique — « précaire », du latin precarius : « obtenu par la prière »…

Assiste-t-on à l’achèvement de ce cycle ? La germination de mouvements observée sur plusieurs continents depuis le début des années 2010 a fait émerger un courant, minoritaire mais influent, las de ne demander que des miettes et de ne récolter que du vent. A la différence des étudiants d’origine bourgeoise de Mai 68, ces contestataires ont connu ou connaissent la précarité dès leurs études. Et, contrairement aux processionnaires des années 1980, ils ne redoutent guère l’assimilation du radicalisme aux régimes du bloc de l’Est ou au « goulag » : tous ceux qui, parmi eux, ont moins de 27 ans sont nés après la chute du mur de Berlin. Cette histoire n’est pas la leur. Souvent issus des franges déclassées des couches moyennes produites en masse par la crise, ils et elles font retentir au cœur des assemblées générales, des sites Internet dissidents, des « zones à défendre », des mouvements d’occupation de places, et jusqu’aux marges des organisations politiques et syndicales, une musique longtemps mise en sourdine.

Ils disent : « Le monde ou rien » ; « Nous ne voulons pas les pauvres soulagés, nous voulons la misère abolie », comme l’écrivit Victor Hugo ; pas seulement des emplois et des salaires, mais contrôler l’économie, décider collectivement ce que l’on produit, comment on le produit, ce qu’on entend par « richesse ». Non pas la parité femmes-hommes, mais l’égalité absolue. Non plus le respect des minorités et des différences, mais la fraternité qui élève au rang d’égal quiconque adhère au projet politique commun. Point d’« écoresponsabilité », mais des rapports de coopération avec la nature. Pas un néocolonialisme économique habillé en aide humanitaire, mais l’émancipation des peuples. En somme : « Nous voulons tout », ambition qui déborde si largement le champ de vision politique habituel que beaucoup l’interprètent comme l’absence de toute revendication.

Si placer la barre au ciel plutôt qu’au sol n’accroît pas d’un pouce les chances de réussite, ce déplacement présente un double intérêt. Confinée pour le moment sur les bas-côtés de la contestation et hostile par principe à l’organisation politique, la résurgence radicale influence les partis par capillarité, à l’instar du fil qui relie le mouvement Occupy Oakland — le plus ouvrier du genre aux Etats-Unis — aux militants qui soutiennent le candidat démocrate Bernie Sanders dans le cadre très institutionnel de la campagne présidentielle. Mais surtout, ce regain renforce les batailles défensives quand ceux qui les mènent dans des conditions difficiles peuvent à nouveau s’appuyer sur une visée de longue portée et, à défaut de projet tout ficelé, sur des principes de transformation qui illuminent l’avenir. Car vouloir tout, quand bien même on n’obtiendrait rien dans l’immédiat, c’est s’obliger à définir ce que l’on désire vraiment plutôt que ressasser ce que l’on ne supporte plus.

On aurait tort de voir dans cette bascule un glissement de l’action revendicative vers un idéalisme incantatoire : elle rétablit en réalité la lutte sur ses bases classiques. Que la gauche n’évolue plus qu’en formation défensive fait figure d’exception historique. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les partis politiques, puis les syndicats, ont toujours tâché d’articuler objectifs stratégiques de long terme et batailles tactiques immédiates. En Russie, les bolcheviks assignent le premier rôle au parti et confinent les organisations de travailleurs au second. En France, les anarcho-syndicalistes intègrent « cette double besogne, quotidienne et d’avenir ». D’un côté, explique en 1906 la charte d’Amiens de la CGT, le syndicalisme poursuit « l’œuvre revendicatrice quotidienne (…) par la réalisation d’améliorations immédiates ». De l’autre, « il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ».

Comme l’observait l’historien Georges Duby, « la trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas ». En politique, le rêve sans le pas se dissipe dans le ciel brumeux des idées, mais le pas sans le rêve piétine. Le pas et le rêve dessinent un chemin : un projet politique.

A cet égard, les idées mises au clou par la gauche et réactivées par les mouvements de ces dernières années prolongent une tradition universelle de révoltes égalitaristes. En avril, un panneau destiné à collecter les propositions des participants à la Nuit debout, place de la République à Paris, proclamait : « Changement de Constitution », « Système socialisé de crédit », « Révocabilité des élus », « Salaire à vie ». Mais aussi : « Cultivons l’impossible », « La nuit debout deviendra la vie debout » et « Qui a du fer a du pain » — aux accents blanquistes.

Espoirs de convergence

Au-delà des socialismes européens, utopique, marxiste ou anarchiste, un pointillé thématique relie les radicaux contemporains à la cohorte des silhouettes insurgées qui hantent l’histoire des luttes de classes, de l’Antiquité grecque aux premiers chrétiens, des qarmates d’Arabie (Xe-XIe siècle) aux confins de l’Orient. Quand le paysan chinois Wang Xiaobo prend en 993 la tête d’une révolte à Qingcheng (Sichuan), il déclare qu’il est « las de l’inégalité qui existe entre les riches et les pauvres » et qu’il veut « la niveler au profit du peuple ». Les rebelles appliqueront sur-le-champ ces principes. Presque un millénaire plus tard, la révolte des Taiping, entre 1851 et 1864, conduira à la formation temporaire d’un Etat chinois dissident fondé sur des bases analogues (3). Tout comme en Occident, ces insurrections faisaient converger des intellectuels utopistes opposant de nouvelles idées à l’ordre établi et des pauvres révoltés décidés à imposer l’égalité à coups de fourche.

La tâche, de nos jours, s’annonce assurément moins rude. Un siècle et demi de luttes et de critiques sociales a clarifié les enjeux et imposé au cœur des institutions des points d’appui solides. La convergence tant désirée entre classes moyennes cultivées, monde ouvrier établi et précaires des quartiers relégués ne s’opérera pas autour des partis sociaux-démocrates expirants, mais autour de formations qui se doteront d’un projet politique capable de faire briller à nouveau le « soleil de l’avenir ». La modération a perdu ses vertus stratégiques. Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.

Pierre Rimbert

70ième anniversaire du 8 Mai 1945 : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde » par le Mouvement de la Paix

mouvementPaix70ième anniversaire du 8 Mai 1945 :
« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde »
Le 8 mai 45 représente d’abord la victoire sur le nazisme.

Cette victoire engendrera au plan international une dynamique favorable à la paix avec l’adoption de la Charte des Nations Unies et la création de l’ONU et au plan national une dynamique favorable à la Paix, à la justice sociale et au développement de réformes démocratiques autour du programme « les jours heureux » du CNR.
Mais hélas, le 8 mai 1945 ce fut aussi, avec les massacres de Sétif, le début d’une période qui sera marquée par des guerres et des crimes imputables au colonialisme qui refusa à de nombreux peuples la satisfaction de leurs légitimes aspirations à l’indépendance et à la justice.

En Europe, des peuples durent supporter de longues années encore des dictatures alliées de Hitler, en Espagne avec Franco et au Portugal avec Salazar.
Aujourd’hui la crise économique, sociale et morale que connaît le monde entier en raison de la domination de logiques financières, pousse les peuples à l’affrontement à travers une mise en concurrence effrénée. Ces logiques qui s’expriment au plan économique mais aussi militaire plongent des régions entières de la planète dans des guerres et des violences, mais elles sont aussi la cause de la résurgence des idéologies fascisantes.

La vigilance est de mise. Si nous pouvons toujours rêver à « des jours heureux », car le monde est toujours riche en aspirations et en potentialités de la part de tous les peuples, il n’empêche qu’en France et dans de trop nombreux pays, la réapparition du spectre de l’extrême droite et de ses idéologies fascisantes et racistes peut nous faire craindre le pire.
Plus que jamais nous devons entendre les paroles de Bertolt Brecht écrivant : « le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde ».
La paix est en effet une construction politique permanente dont le cadre est constitué par la Charte des Nations
Unies dont nous fêtons cette année le 70ième anniversaire.
Dans ce contexte, la France se doit d’honorer par une participation de haut niveau aux cérémonies commémoratives
dans toutes les capitales des grands pays alliés dans la victoire sur le nazisme.
Que le 8 mai 2015 soit pour chacun d’entre nous l’occasion d’une réflexion sur les conditions de la construction d’une
paix basée sur le respect de l’ensemble des droits humains, mais aussi sur la nécessité
de son engagement
personnel dans cette construction d’une culture de la paix et de la non-violence, plus que jamais à l’ordre du jour.
Le Mouvement de la Paix
Le 7 mai 2015

Contact :
Roland Nivet : roland.nivet@mvtpaix.org

Les Social Impact bonds, innovation financière ou projet de société marchande totale ? (par le CAC)

Journée de travail et de formationcac logo

Lundi 8 juin 2015 – 9h30/17h

 

Les Social Impact bonds, innovation financière ou projet de société marchande totale ?

ICI VERSION PDF pour impression

 Bonjour,

En novembre dernier, nous avons été alertés par l’arrivée en France d’un projet de financement des besoins sociaux par des financeurs privés, sous le nom d’« Investissements à Impact Social » (IIS) avec comme cœur du projet les « Social Impact Bonds » (SIB). Depuis lors, une multitude de messages prépare insensiblement la société toute entière à adopter sans méfiance les « SIB », vantant la nécessité « d’innovations financières », les soi-disant « opportunités de financement que représentent les investissements sociaux », « la nécessité d’améliorer la gouvernance des associations face aux exigences des financeurs », sans expliquer réellement le contenu de ces expressions.

Aussi, le CAC et ATTAC ont décidé d’unir leurs efforts pour montrer que ce projet constitue une solution ruineuse pour les finances publiques (comme l’ont été les partenariats public-privé) et asservissante pour les projets associatifs. Il est en effet nécessaire d’alerter largement les citoyens et les associations sur le contenu des mesures envisagées et de demander au gouvernement d’y renoncer.faujour-0019-0066-m

Afin de préparer une campagne d’action commune, une journée de travail et de formation est organisée :

Lundi 8 juin 2015 de 9h30 à 17h

à l’AGECA, 177 rue de Charonne 75011 Paris (métro Charonne ou Alexandre Dumas)

Vous trouverez ci-dessous le programme de cette journée.

  • Merci de nous confirmer votre participation sur ce lien d’inscription (cliquez), ou d’y signaler votre souhait de participer à la suite de ce travail commun (même sans participer à cette journée).

Si d’autres organisations souhaitent être partenaires de la démarche, elles sont évidemment les bienvenues.

Solidairement,

Jean-Claude Boual pour le CAC                                                               Elen Riot pour ATTAC

 

  1. : à midi, un pique-nique « auberge espagnole » est prévu avec mise en commun de ce que chacun apportera.

 

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Programme de la journée de formation et de travail du 8 juin :

Les Social Impact Bonds, innovation financière ou projet de société marchande totale ?

Objectifs

Cette journée, co-organisée par le Collectif des Associations Citoyennes et ATTAC, poursuit quatre objectifs :

– partager beaucoup plus largement l’information relative au projet d’investissement à impact social et aux « Social Impact Bond » (SIB ou obligations à impact social en français) afin que les militants puissent eux-mêmes rediffuser l’information ;

– croiser les analyses du CAC avec celles d’ATTAC et d’autres mouvements ;

– expliciter en quoi ce projet est porteur d’un choix de société au niveau mondial ;

– préparer une campagne d’action commune pour alerter l’opinion et les organisations sur le sens et la portée de ce projet.

Déroulement

09h 30 Conférence gesticulée : extrait de la conférence gesticulée sur l’Economie Sociale et Solitaire d’Iréna Havlicek

10h 00 Introduction globale : historique et évolution du projet par Jean-Claude Boual et Elen Riot

10h 45 Ateliers :

Explication du mécanisme des SIB et réflexion sur les conséquences pour les finances publiques et pour les associations (celles qui seront amenées à souscrire de tels contrats et celles qui ne le feront pas) ;

Partenariats public-privé et stratégie des banques. En quoi les « Social Impact Bond » comme les « développement impact bonds », sont dans la logique des partenariats public-privé et constituent un élément important de la stratégie des banques et des investisseurs au niveau national et international ?

SIB et loi ESS : quels changements apporte la loi ESS ? Comment les SIB prennent place parmi les outils financiers mis en place par la loi ESS. La loi ESS a-t-elle été récupérée ? Quelles propositions alternatives ?

Un choix de société ? Quels choix de société apparaissent à travers l’analyse des textes fondateurs du projet et de la rhétorique développée par ses promoteurs, quelle conception alternative leur opposer à partir des pratiques associatives citoyennes ?

12h 30 Repas (pique-nique auberge espagnole)

13h 45 Compte rendu des ateliers

14h 30 Table ronde d’introduction au débat : comment agir ensemble pour amplifier un mouvement d’opposition à ce projet ? Quels liens à faire avec TAFTA, CETA, etc. ? Quelles propositions alternatives ?

15h 30 Débat général

16h 15 Programme de travail et appel aux volontaires pour élargir le groupe de travail et poursuivre l’analyse, la veille, l’information, répondre aux demandes d’intervention en régions et lancer une campagne médiatique.

16h 30 Conclusions et fin des travaux

 

Collectif des Associations Citoyennes

108, rue Saint-Maur 75011 Paris – contact@associations-citoyennes.net

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