Archives mensuelles : mars 2020

Le Corona Virus comme analyseur : Autopsie de la vulnérabilité systémique de la mondialisation capitaliste

Le blog de Saïd Bouamama

Il y a les aléas et il y a la vulnérabilité conduisant aux catastrophes. La confusion entre ces deux questions est une des caractéristiques essentielles du discours officiel du gouvernement français (et de très nombreux autres). Il n’y a rien d’étonnant à cette confusion volontaire qui a comme fonction de masquer et de faire disparaître la seconde. Cette dernière fait en effet fonction d’analyseur des contradictions d’un système social, de révélateur du réel que l’idéologie dominante masque ou déforme habituellement et de miroir grossissant des inégalités et dominations qui le caractérisent.  Le centrage volontaire sur la dimension « catastrophe » diffuse en effet des images d’imprévisibilité, d’incertitude, d’absence de responsabilité humaine, etc. Le centrage sur la vulnérabilité interroge les causes économiques et sociales d’une situation, les raisons réelles de l’ensemble des conséquences d’une catastrophe et les intérêts économiques qui ont produit cette vulnérabilité. Que nous révèle la pandémie sur la vulnérabilité de…

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A lire : La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire

Le collectif de chercheuses et de chercheurs  qui a prit le nom de l’artiste féministe du XIXème siècle  « Rosa Bonheur » a mené une recherche ethnographique et sociologique de 2011 à 2015 dans les quartiers populaires de Roubaix. Ce travail est présenté dans le  livre « La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire », paru en juillet 2019 aux éditions Amsterdam.Amsterdam-couv-la-ville-vue-den-bas-394x569

La médiathèque de Roubaix a prévue une présentation de cet ouvrage, disponible à son catalogue de prêt, qui sera reportée en raison de la crise sanitaire.

Nous avons décidé de vous présenter deux extraits de cet ouvrage, en espérant qu’ils vous donnent l’envie de le lire et de le partager.

Introduction page 23 :

« La construction médiatique et politique, y compris à l’échelle nationale, d’un espace relégué installe Roubaix comme une ville sous « assistance ».

Ce discours qui fait souvent référence à l’importance de la population immigrée, l’envisage sous l’angle de la délinquance, du communautarisme, voire de l’islamisation, selon un procédé de racialisation de la question sociale qui détourne l’attention de ce que vivent au quotidien les classes populaires.

Contre les représentations caricaturales que véhiculent les analyses de ce type, il nous a paru essentiel de repartir de l’expérience propre de ces classes populaires. »

Dernier paragraphe de la conclusion, pages 2014 et 2015 :

«  Cette hétérogénéité se retourne d’ailleurs parfois explicitement contre les classes populaires, en particulier quand elle est utilisée par les pouvoirs publics comme un argument pour décrédibiliser et disqualifier leurs mobilisations, au motif de leur supposé manque de représentativité.

C’est au nom de l’égalité des sexes, de la mixité sociale, de la laïcité et de la citoyenneté que sont portées des politiques sociales et urbaines qui vont, de fait, à l’encontre des intérêts matériels des classes populaires et mettent en jeu leurs conditions d’existence.

C’est au nom de ces mêmes arguments que sont disqualifiés les mobilisations populaires contre ces projets : le reproche adressé aux classes populaires concerne bien leur supposée incapacité à vivre ensemble dans la cité. Le spectre du communautarisme menace toujours d’être agité, en particulier dans les territoires ou vit, histoire coloniale et post-coloniale oblige, une forte proportion d’immigrés ou de descendants d’immigrés maghrébins.

Les classes populaires, et en particulier leurs fractions racisées, se trouvent finalement soumises à une grille de lecture culturaliste, nourrie de fantasmes sur leur supposé séparatisme, aveugle à la réalité et à la banalité des attaches communautaires et de l’homogamie comme vecteur de lien social.

Regarder la ville et le quotidien populaire d’en bas, sans jamais perdre de vue l’ensemble des rapports sociaux qui maintiennent les classes populaires dans une position matérielle et symbolique subalterne, et sans occulter les tensions et les lignes de fractures internes qui les traversent, c’est voire que celles et ceux dont on dit qu’ils ne font rien ne sont, en fait, ni plus ni moins que des travailleuses et des travailleurs. »

L’arbre et la forêt.

L’arbre et la forêt.
La mesure de confinement prise par le gouvernement français est absolument nécessaire.
Elle s’appuie sur l’expérience vécue en Chine, puis en Italie, sur la situation fragile de notre système de santé public.
16 mars matin, dans un supermarché, bribes de discussion :  » Cette affaire de confinement, c’est l’arbre qui cache la forêt ! »
L’arbre, c’est le coronavirus !… Mais la forêt ?
Depuis des millénaires, l’Europe est confrontée à des épidémies-pandémies : peste, choléra, typhoïde, grippe espagnole…
Elles se sont répandues largement traversant mers, montagnes et frontières.
Le coronavirus n’est donc pas une nouveauté.
Sa diffusion est très rapide, beaucoup plus que celle de la grippe espagnole qui fit en 1918-1919 entre 50 et 100 millions de victimes dans le monde et 250 000 en France.
L’importance du transport aérien, la circulation rapide des individus favorisent la propagation du coronavirus.
La rapidité des sources d’informations, l’excroissance de réseaux, d’officines privées promptes à diffuser les fake-news accélèrent peurs, interrogations…
Pourtant à ce jour, le coronavirus a entraîné moins de 8000 décès dans le monde et tous les experts indiquent que 97 à 98 % des personnes sévèrement infectées seront guéries si des soins appropriés leur sont dispensés.
Si des soins appropriés leur sont dispensés… C’est la question essentielle !
Le personnel soignant : médecins, urgentistes, infirmier(es)s, aide-soignant(e)s sont sur le pont depuis des semaines malgré le manque de moyens, l’angoisse d’être contaminés, l’angoisse de ne pas pouvoir sauver les malades !
Comment se fait-il que dans la France du 21ème siècle, riche de compétences, d’expériences et de savoir-faire médicaux – sans doute un des meilleurs au monde – le responsable du comité scientifique auprès du gouvernement déclare sur RTL que tous les malades ne pourront pas être soignés, nous devrons les trier ?
Aujourd’hui notre pays compte moins de 1000 victimes en situation grave.
Pourquoi notre pays n’a-t-il pas le nombre de masques nécessaires pour protéger toutes les équipes médicales ?
Pourquoi notre pays n’a-t-il pas le nombre de respirateurs nécessaires indispensables à la survie des patients ?
Pourquoi notre pays n’a-t-il pas le nombre de lits suffisants ?
La réponse est malheureusement claire : depuis 20 ans et plus, les politiques ultralibérales, cherchant à augmenter systématiquement les profits, particulièrement dans le domaine de la santé, tournent le dos à l’éthique médicale et aux valeurs de notre République entre autres à l’égalité de toutes et de tous devant la maladie tel que le définissent la Sécurité sociale et nos Constitutions depuis 1946. L’ultralibéralisme, le saccage du service public mettent en cause notre pacte républicain, les fondements de notre société, héritage des luttes de nos aînés depuis 1789.
Pierre Outteryck
Président d’Espace Paul Éluard, Roubaix
18 03 2020